« LE MUSÉE LABYRINTHE»


L’idée du musée (d’art) en tant que labyrinthe est une constante qui, depuis toujours, fait partie de mon expérience professionnelle; labyrinthe ou... miroir brisé, kaléidoscope en dérive vers la situation finale de cette oeuvre majeure qui est «La dame de Shanghai» de Orson Welles. Le Musée est un espace organisé, habité par divers corps et temps, d’autres corps et d’autres temps et aussi nous mêmes qui le traversons. C’est-à-cause de cette présence du labyrinthe que, quand Bernard Guelton m’a proposé l’idée d’ «Un détail immense», j’ai immédiatement adhéré; son projet en était la concrétisation dans l’espace du Musée en utilisant un espace autre, la chapelle qui cependant lui appartient. Je parle, bien sûr, de la chapelle des «Albertas» ou de Saint Albert, une église qui dans sa décoration, autel à autel, parcours le temps entre le 16ème siècle et le 17ème siècle, dernier vestige d’un couvent de carmélites, contemporain de Sainte Thérèse d’Avila.
Dans le projet de Guelton, l’espace de la chapelle pénètre l’espace du Musée simultanément avec un temps imaginaire qu’un jour Antonio Tabucchi a inventé aussi à partir de ce Musée.


Le choix de la chapelle présente une importance singulière, car il met en communication simultanément deux espaces et deux temps. Celui-ci, je l’ai dit, constitué de plusieurs temporalités, défit le Musée qui représente une autre époque, un autre espace et une autre situation. La chapelle se présente comme une réalité et une totalité à l’image du musée, mais dans un contraste qui pourrait être celui du réel avec l’imaginaire, ou, pourquoi pas, celui de la «vérité» de la chapelle avec le «mensonge» du Musée.


Au-delà de la «vérité» et du «mensonge», ce projet a le mérite de souligner un aspect évident et cependant invisible pour beaucoup, celui du Musée en tant que lieu ambigu, lieu de contradiction où la totalité de l’exposition, n’importe laquelle, n’est plus que l’addition, intentionnelle peut-être de fragments. Ce projet d’installation peut être aussi défini en tant qu’une exposition dans l’exposition, comme celle que Pedro Morais en 1987 et Manuel Casimiro en 1982 ont accompli ici. Ils ont traversé les espaces du musée avec des présences autres. Cependant, dans ce projet, le musée est référencié à lui-même à travers l’un de ces espaces privilégiés, ce qui renforce l’image du labyrinthe, du kaléidoscope, qui devient un abîme, une spirale qui commence et ne s’achève jamais. Un musée, ce musée est comme cela.


José Luis Porfirio,
directeur du Museu de Arte Antiga